Depuis deux mois, les médias en font des tonnes sur l’intelligence artificielle Chat GPT 3, désormais accessible au grand public. S’agit-il d’un nouveau saut vers une IA de plus en plus performante ou d’un vaste coup de com’ ? Nous l’avons essayée. Le résultat est étonnant.
Comme tous les curieux des évolutions des outils numériques, nous avons testé l’IA ( Intelligence artificielle) ChatGPT3 d’Open AI, c’est bluffant. En quelques secondes, ce Chatbot, nouvelle ère, répond à une requête telle « Peux-tu m’expliquer ce qu’est la philosophie de Spinoza ? » ou encore « explique-moi comment fonctionne un ordinateur quantique » en déterminant le volume de texte attendu. Quelques secondes plus tard la réponse est là, sans fautes majeures, bien structurée et plutôt pertinente. Bon, la fraîcheur des informations remonte à quelques mois mais ce n’est pas un problème majeur. Des acteurs majeurs du monde de l’éducation comme SciencePo Paris commencent à interdire l’usage de Chat GPT3 aux étudiants, c’est dire qu’elle suscite des craintes.
Chat GPT3 est capable de générer du code informatique, de bonne qualité aux dire des spécialistes. Un risque supplémentaire de cybersécurité puisque cette capacité peut être exploitée par un pirate qui peut alors tirer parti d’une vulnérabilité dans un système informatique pour attaques ses victimes.
La presse en ligne gratuite, en recherche constante d’audience, en rajoute sur les enjeux. Il faut se méfier des titres d’articles racoleurs tels celui-ci: L’intelligence artificielle va « probablement » détruire l’humanité, selon Oxford et Google ! Tout dans cette fausse formulation indique la fake news.
Victime de son succès, cette IA est maintenant souvent noyée sous une cascade monumentale de requêtes
Les GAFAM prennent le relais avec leur force de frappe colossale
Comme pour Google qui avait besoin d’investissements énormes pour développer son moteur de recherche, en particulier de très nombreux datacenters pour héberger les requêtes et algorithmes d’affichage des résultats, Open AI doit être épaulé par de très gros partenaires pour passer à l’échelle supérieure. Le but: réaliser des opérations qui exigent beaucoup de ressources (puissance de calcul, mémoire vive, stockage, etc.). pour traiter des milliers de milliards de données. Quand un géant comme Microsoft investit des milliards de dollars sur cette technologie, on peut être certain que des retours financiers très conséquents sont attendus. Poursuivant ses premiers investissements de 2019 et 2021, Microsoft a des idées derrière la tête, pas pour le bien commun comme il le prétend mais vers des applications payantes qui promettent une amélioration constante des performances. L’objectif officiel de la firme de Bill Gates est “d’accélérer les percées de l’IA afin de garantir que ces avantages soient largement partagés avec le monde”.
Cela dit et même si les médias et les deux partenaires avancent les performances prodigieuses du machine learning, à savoir la capacité des IA à apprendre toutes seules, ChatGPT et ses épigones bénéficient de l’aide de milliers de petites mains, peu payées, qui reformulent les processus de recherche, optimisent la calcul, corrigent les erreurs. Par exemple, un travailleur à distance au Kenya touche 2$ de l’heure pour cela, pas plus.
Les autres GAFAM, Google et Meta (nom officiel de Facebook) développent des projets similaires à coup de milliards de dollars et devraient annoncer bientôt leurs applications d’IA génératives pour le grand public et les professionnels.
Pour l’heure, il ne s’agit pas d’IA fortes, autonomes, capables de supplanter l’homme dans la plupart des tâches mais d’outils puissants d’aide aux humains dans de nombreux domaines, édition, journalisme, éducation, développement informatique, etc. Il n’y aura pas de « grand remplacement » de l’homme par la machine mais pas davantage d’une action neutre sur l’économie. De nombreux secteurs seront impactés. Reste à savoir lesquels, sur quels secteurs d’activité, de quelle manière et avec quel niveau de profondeur.
Il faut se méfier des annonces spectaculaires qui prêtent des résultats à considérer avec précautions. Ainsi, certains médias avançaient qu’une IA était aujourd’hui capable de détecter mieux et plus vite des tumeurs cancéreuses à partir d’une image radiologique; et de citer une expérimentation médicale à l’hôpital Georges Pompidou. Or, il n’en est rien, le projet a été mis en veille car il reste encore du chemin à parcourir pour supplanter le diagnostic des spécialistes.
L’IA Dall E 2 génère des automatiquement des images à partir d’une demande textuelle
Tous les domaines d’expression sont touchés alors que Chat GPT3 génère du texte, Dall E 2 d’Open AI produit des images en quelques secondes, générées par intelligence artificielle. Il suffit de saisir quelques mots pour décrire l’image à créer pour obtenir une résultat probant. Cependant, on est bien loin du travail d’un graphiste expérimenté et le niveau de créativité de cette IA ne menace en rien les professionnels. En revanche, les tâches graphiques simples seront sans doute de plus en plus confiées à des IA.
Une image, très perfectible, créé par DALL E 2
Le discours du 18 juin 1940 du général de Gaulle reconstitué par une IA
« Le Monde » a tenté de recréer le fameux appel du 18-Juin en reproduisant la voix du général de Gaulle
Ce projet a été réalisé en partenariat avec les chercheurs de l’Ircam. Il s’agit d’une évocation de ce discours historique, dont il n’existe aucun enregistrement, à la croisée de l’histoire et de la technologie. Il y a fort à croire que la voix de De Gaulle n’est pas exactement la même que l’original. Nous sommes ici au delà des applications « text-to-speech », qui génèrent, à partir d’un texte, une voix synthétique intelligible mais souvent artificielle et monotone. La voix reconstituée par l’IRCAM peut moduler les émotions au delà de ce que faisaient les outils de clonage vocal.
Avec Open AI le codage est de plus en plus simplifié pour le rendre accessible aux créatifs
Pour accélérer le développement des applications par les développeurs chevronnés a embauché 60% de personnel pour étiqueter l’énorme corpus d’images, clips audio, textes pour alimenter les outils d’IA et 40% de spécialistes du code Il est demandé aux développeurs de décrire la nature d’un problème et la manière de corriger le code, au lieu de se contenter de le corriger. Ces méthodes devraient faire évoluer significativement les méthodes de développement.
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