Editions Slatkine
Plaidoyer pour une révolution numérique humaniste
Ce livre fait largement référence au contexte et à la législation suisse en matière de confidentialité et d’intégrité numérique. Un angle qui peut désorienter les autres lecteurs francophones. On y retrouve cependant nombre des thèmes présents dans le reste de l’Europe et du monde. Nous ne sommes qu’au début d’une révolution qui s’est propagée très rapidement et bouscule profondément les fondamentaux de l’économie et des sociétés. Après les promesses initiales d’un internet communautaire, la toile repose aujourd’hui sur la collecte massive de données personnelles qui alimentent des algorithmes auxquels sont déléguées beaucoup de décisions gouvernementales. Nous, citoyens et institutions, avons bradé nos données pour bénéficier de services gratuits, vidéos Youtube, informations en masse gratuites, etc. Une infime partie d’acteurs dont les GAFAM, monopolise la valeur des données agrégées pour créer une sphère qui a évincé les entreprises concurrentes. Le but du livre est de proposer un concept qui permet à l’individu de faire valoir ses intérêts dans le monde numérique. Les internautes qui se comptent par centaines de millions pensent être libres mais il pourrait bien s’agir d’une illusion de liberté, avec à la clé, l’aliénation des individus à travers leurs empreintes et doubles numériques.
De la difficulté à protéger ses données
Difficile de se passer des services rendus par les Gafam, la plupart gratuits et très utiles, voire pour certains, devenus indispensables comme Google Maps ou Waze . Mais outre le fait que nous abandonnons notre contrôle sur nos données personnelles, reste le risque des fuites de données après une attaque informatique. Les auteurs suggèrent que nous avons besoin à présent d’une identité numérique souveraine. Cela revient à conférer aux données un caractère juridique inaliénable et à réfuter toute tentative d’attribuer une valeur marchande aux données personnelles comme le propose le think tank Génération Libre, d’inspiration libérale.
Le consentement numérique, une acceptation improbable
Comme pour les relations sexuelles non consenties, il faut exclure d’emblée l’adage « Qui ne dit mot, consent » Le RGPD, règlement européen de protection des données personnelles applicable depuis mai 2018 à toutes les entreprises et institutions est un premier pas. Cependant la collecte massive des données par Facebook et autres réseaux sociaux continue à poser des problèmes non résolus. Qui connaît le contenu exact des agrégats de données personnelle vendus par ces plateformes, selon des segmentation très fines, revendues à des annonceurs et autres clients ? Les intérêts économiques s’opposent frontalement à toute tentative de protéger ou de limiter l’accès aux données personnelles.
La société numérique doit imposer de nouveaux droits
L’article 2 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen pose que » le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme« . Le numérique induit de nouveaux problèmes comme la notion mal comprise par le grand public de neutralité d’Internet, à savoir l’accès de façon équitable et neutre aux ressources d’Internet. Les nouvelles monnaies numériques telles le Bitcoin pose d’autres défis, en bref, la volatilité des cours et la tentation de rivaliser avec les monnaies souveraines. La Salvador vient d’adopter officiellement le Bitcoin en juillet 2021. Une décision irresponsable et très dangereuse eu égard à sa grande volatilité, hors de contrôle des Etats.
Placer l’humain au centre des décisions
Cet objectif désirable et nécessaire a tout aujourd’hui d’une incantation, à l’heure des marchés financiarisés. Plusieurs pistes sont proposées comme celle d’un droit de travail numérique puisque la donnée est créatrice de valeur. Son application effective nous parait hautement improbable puisqu’il faudrait définir des règles contraignantes assorties de sanctions dissuasives. Quand on voit la capacité des grands acteurs du numérique à se soustraire à leur obligations fiscales, on peut douter de leur docilité à suivre le droit commun qui s’applique à la grande majorité des entreprises.
Le référendum sur l’indépendance catalane, porteur de solutions innovantes
En octobre 2017, le gouvernement catalan, la « Generalitat », a initié un vote citoyen sur l’indépendance ce cette région d’Espagne. La répression numérique de l’Etat espagnol a été d’une ampleur sans précédent. Des centaines de site web ont été fermés, la réquisition du domaine d’extension .cat a été demandée sans succès, des datas centers ont été réquisitionnés. Face à cette tentative de contrôle numérique, les autorités catalanes ont d’une part crée des sites miroirs pour informer les votants sur l’emplacement des bureaux de vote et copié le registre décentralisé chiffré des votants.
Des enjeux critiques de sécurité
Les demandes croissantes de rançons par des délinquants numérique après qu’ils aient crypté les données de leurs victimes et les blocages de site pétroliers ou d’hopitaux, montrent l’ampleur préoccupante de l’enjeu sécuritaire. Les réponses étatiques comme l’action de l’Anssi en France, l’ouverture du code source des application pour en détecter les failles de sécurité sont des répliques indispensable mais non suffisantes.
L’intégrité numérique, nouveau droit à conquérir
Les données numérique ne sont pas un produit, le « pétrole » de nos économie mais tout simplement et fondamentalement, des éléments de la personne humaine. A ce titre, il est très important de mettre en place les stratégies de défense des droits humains et de l’inscrire dans le marbre des Constitutions souveraines et des législations.
Sur les auteurs:
Grégoire Barbey est journaliste, spécialisé dans la politique
Alexis Roussel a cofondé la plateforme de trading de cryptomonnaies Bity
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