Une vulgarisation réussie sur la finance mais une interprétation très orientée
Ce petit livre vulgarise de manière très claire les arcanes de l’économie et de la finance qui impactent fortement et directement la vie citoyenne. Deux domaines réputés ardus pour les profanes mais dont l’auteur démontre qu’ils sont accessibles à quiconque s’y intéresse. Journalistes, étudiants, chefs d’entreprise ou simples curieux y trouveront la description didactique du rôle essentiel et méconnu du marché interbancaire, du mécanisme de l’euro, de la signification du quantitative easing mis en place par la BCE ou la Réserve Fédérale américaine et beaucoup d’autres notions importantes. Alain Lemasson explique pourquoi et comment les Etats-Unis drainent des sommes considérables pour financer les entreprises, particulièrement les start-up’s et plateformes numériques et autres Gafas, les Google, Amazon, Uber et autres, sans commune mesure avec le montant des financements Européens.
Un démontage des « clichés » très discutable
En revanche, le chapitre 2 « Les clichés, ce qu’il faut en penser » est clairement un plaidoyer sans nuances de l’idéologie ultra-libérale. Pour l’auteur, la spéculation est indispensable pour fluidifier les rouages de l’économie mondiale. Surtout, la crise financière de 2008 n’est pas due selon lui à la titrisation et la place financière de Wall Street. Il désigne comme responsables de cette crise, a rebours d’analyses sérieuses et concordantes , le ministère du Logement américain et l’incitation gouvernementale faites aux banques de distribuer une partie des crédits immobiliers aux plus défavorisés, défaussant Wall Street et les fonds spéculatifs de toute responsabilité. Curieuse analyse qui met surtout en cause la modeste tentative de redistribution des richesses du gouvernement dans un pays qui connait les plus grandes inégalités du monde occidental. Il mentionne le problème évident du défaut d’anticipation par les agences de notation Moody’s, Standard and Poor’s, Fitch mais sans dire explicitement que personne avant la crise ne connaissait précisément le contenu des produits financiers titrisés eu égard à leur très grande complexité. C’est précisément ce qui est reproché à la titrisation mais Alain Lemasson ne le mentionne pas. La problématique de la monnaie unique européenne théorisée par Robert Mundell, prix Nobel d’économie, montre les défauts de construction de l’Euro mais l’auteur tente de les éluder dans le livre. Mundell explique que l’euro repose sur trois principes fondamentaux. 1) Un taux de change fixe et commun à tous par nature 2) La liberté de circulation des capitaux 3) Une politique budgétaire contrainte par les critères de Maastricht qui limitent la dette et le déficit de chaque pays de la zone Euro. Selon Mundell, il ne peut y avoir simultanément que deux de ces critères, En l’occurrence, il s’agit du taux unique de l’Euro et de la liberté de circulation des capitaux. Au détriment par conséquent de la contrainte budgétaire exercée par la communauté européenne ce qui limite, sans conteste, la souveraineté des Etats européens.
Les paradis fiscaux et fraudes massives seraient un fantasme des médias …
L’affirmation la plus contestable du livre reste que les paradis fiscaux serait une réalité exagérée par les médias ou encore que les Hedge funds (fonds hautement spéculatifs) sont nécessaires à l’économie et qu’il existe toujours une couverture des risques en cas de catastrophe, autrement dit de bulle financière. La crise de 2008 montre exactement le contraire. Les Etats, autrement dit l’argent du contribuable, est alors venu à la rescousse d’un secteur financier en perdition suite à des paris spéculatifs délétères de ces mêmes hedges funds, entre autres. Rien dans ce livre sur l’inutilité et les risques du Trading Haute Fréquence, cette technique numérique largement utilisée par les places financières qui consiste à effectuer des milliers d’achats-vente de titres par seconde dans un but exclusivement spéculatif et sans intérêt pour l’économie réelle. Rien non plus sur les schémas d’optimisation fiscale des grandes entreprises en Europe, légaux mais qui escamotent des ressources budgétaires de pays qui en auraient bien besoin.
En résumé, un livre à lire pour la partie didactique sur les instruments fianciers mais a recouper avec d’autres sources, notamment sur les risques bien prégnants de la spéculation financière, responsable de l’explosion des bulles économiques récurrentes dont les contribuables portent la charge, des années après leur apparition.
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